Utilisation d'un modèle de poutre multifibre associé à une méthode de POD afin de modéliser le comportement de sous-structures en béton armé au cours d'essais hybrides en temps réel

Au LMSSC, Paris, le 7 octobre 2021 à 13h30

Bastien Bodnar
Doctorant, LMSSC, Cnam, Paris

En ingénierie civile, il est parfois nécessaire de réaliser des essais sur des éléments structuraux afin d'étudier leur comportement sous chargement sismique (endommagement, mécanisme de rupture, ...). Pour cela, il est possible de réaliser des essais quasi-statiques (essais dits "push-over" consistant à solliciter la structure en imposant la forme de la déformée modale) ou sur modèles réduits (souvent en centrifugeuse ou sur table vibrante). Or, bien qu'étant couramment employés, ces essais présentent de nombreuses limitations. En effet, dans le premier cas, il est impossible de prendre en compte les forces d'inertie. Dans le second cas, le respect du principe de similitude entraîne l'ajout de masses pouvant mener à une rupture prématurée de l'éprouvette.

Afin de pallier à ces limitations, des essais dits "hybrides" ont par conséquent été développés. Ceux-ci permettent d'évaluer la réponse d'éléments de structure (poutres, poteaux, ...) sous chargement sismique à l'échelle 1 en prenant en compte l'environnement dans lequel ils sont situés (base du bâtiment, plancher intermédiaire, ...). L'éprouvette est pour cela sollicitée à ses extrémités par des vérins dont les déplacements sont évalués à l'aide d'une simulation numérique, réalisée en simultanée sur un modèle éléments finis du bâtiment complet. Les déplacements sont imposés à chaque pas de temps par les vérins, puis les forces de rappel sont mesurées et appliquées sur la sous-structure numérique en tant que conditions aux limites. Les résultats obtenus permettent d'obtenir les déplacements à imposer aux vérins au pas de temps suivant, et ainsi de suite.

Actuellement, de nombreuses limitations techniques ne permettent pas de réaliser ces essais en temps réel. Premièrement, afin de modéliser la perte de raideur due à l'endommagement du bâtiment, des modèles de comportement non linéaires doivent être employés, ce qui augmente considérablement les temps de calcul. Deuxièmement, les retards des vérins ne permettent pas d'appliquer instantanément les déplacements. Les essais hybrides sont par conséquent réalisés en "pseudo-dynamique" : seule la force de rappel statique est mesurée, tandis que les forces d'inertie et d'amortissement sont évaluées numériquement au niveau des degrés de liberté communs aux sous-structures numérique et expérimentale. La levée de ces limitations permettrait de réaliser des essais hybrides en temps réel, ce qui rendrait les résultats obtenus indépendants du modèle d'amortissement choisi pour la sous-structure expérimentale.

Au cours de ce séminaire, la démarche employée afin de réaliser un futur essai hybride sur une jonction poteau-poutre en béton armé sera tout d'abord présentée. Les caractéristiques du modèle numérique retenu (schéma d'intégration, type d'éléments, lois de comportement, ...) seront ensuite détaillées. Des solutions permettant de réduire les temps de calcul associés à la résolution de la sous-structure numérique seront enfin proposées.

Une méthode de réduction de modèle par POD (Proper Orthogonal Decomposition) a notamment été investiguée sur un portique à deux étages. Le modèle numérique est composé d'éléments poutre multifibre de Timoshenko doté de fonctions d'interpolation cubiques (ordre 3). Une loi de comportement élasto-plastique a été employée pour les armatures en acier, tandis qu'un modèle d'endommagement unilatéral de Laborderie a été utilisé pour le béton. Un schéma d'intégration α-OS (explicite et inconditionnellement stable) a été utilisé pour l'intégration temporelle.

La méthode de réduction de modèle proposée consiste à réaliser une simulation sur un modèle numérique de l'ensemble du portique à l'aide d'un schéma d'intégration de Newmark inconditionnellement stable associé à un algorithme de Newton-Raphson. Des modes POD sont ensuite évalués par application d'une SVD (Singular Value Decomposition) à partir de plusieurs "snapshots" extraits de la solution en déplacements obtenue. Ces modes sont ensuite employés pour construire une base modale permettant de réduire la taille du système (diminuant ainsi les temps de calcul). L'intérêt de l'emploi d'une méthode de POD dans le cadre d'un essai hybride sera enfin discuté.